Pauline Allione, publié le 13 février 2017 sur RTL INFO
En 2001, Virginie débute une thérapie par l’hypnose pour soigner des douleurs chroniques. Mais rapidement, elle se rend compte que quelque chose d’autre ne va pas… Au fil des séances, elle découvre un lourd secret de famille. Retour sur une histoire incroyable, guidée par un voyage tumultueux au cœur de l’inconscient.
Suite à l’accouchement difficile de son premier enfant, Virginie souffre de douleurs pudendales (le nerf pudendal innerve la zone localisée entre l’anus et les organes génitaux). Elle éprouve de gros problèmes pour marcher ou simplement rester assise. « La station assise était juste impossible. Seul un pouf ou une chaise longue convenaient. Je pouvais marcher, mais très difficilement, avec une canne, et pour les longues promenades j’avais un fauteuil roulant », décrit-elle.
La douleur est vive et doit être contenue avec de puissants analgésiques. « On avait fait tous les examens, j’avais eu toutes les infiltrations possibles et imaginables, j’étais sous cortisone, je prenais de la morphine… J’ai fait le carrousel médical pendant deux ans », raconte-t-elle.
Alors qu’elle a presque tout essayé, on lui propose une neurolyse pudendale. Cette opération chirurgicale consiste à libérer le nerf pudendal des pressions qu’il subit dans le corps. Mais on la prévient: après l’intervention, soit elle ne sentira plus rien parce qu’elle sera guérie, soit parce qu’elle sera devenue incontinente et invalide.
Face aux risques, elle décide de recueillir l’avis d’un autre médecin, le Dr Luc Bruyninx, qui exerçait à l’époque au CHU de Liège. Lui aussi s’intéresse de près aux problèmes de périnée (grand muscle en forme de losange qui entoure les trois orifices: anus, vagin, urètre. Son rôle est de soutenir les voies digestives inférieures, les voies urinaires et enfin les voies génitales. Le périnée est souvent malmené pendant la grossesse puis au moment de l’accouchement).
Après étude de son dossier, ce spécialiste lui propose une toute autre solution: une thérapie de gestion de la douleur par l’autohypnose. Un état où l’inconscient va prendre le dessus sur le conscient, pour aller débloquer des traumatismes ancrés dans la mémoire.
Guérir par l’hypnose
« L’hypnose permet l’accès à l’inconscient, qui est le lieu caché de notre vécu émotionnel. Lorsque nous expérimentons un évènement traumatisant, nous en faisons une représentation mentale automatiquement et dans ce scénario, les émotions sont bloquées. Elles s’impriment sur les plaques sensibles de notre mémoire inconsciente. Le travail thérapeutique en hypnose consiste alors à proposer à la personne de désensibiliser ces plaques hypersensibles de sorte à pouvoir être un peu plus en paix avec le vécu traumatisant », détaille l’hypnothérapeute-formateur Gérald Brassine.
Passée la surprise de cette proposition, Virginie accepte. « A cette époque personne ne parlait d’hypnose, et c’est bien parce que c’est un chirurgien qui me l’a proposé que j’ai osé passer ce cap. Dans l’état ou j’étais je n’avais plus rien à perdre », confie-t-elle.
Loin des clichés de l’hypnose de foire
Toutes les six semaines, elle se rend chez le Docteur Bruyninx et plonge dans un « état naturel de conscience modifié ». « L’autohypnose est une hypnose, c’est-à-dire un état modifié de conscience dans lequel la personne arrive à se placer toute seule, sans aucune aide extérieure. Nous pouvons tous nous mettre spontanément en autohypnose sans même nous en rendre compte. Etre en hypnose, c’est rester conscient et faire autre chose avec son cerveau », nous explique ce dernier.
A l’hôpital, Virginie s’assoit confortablement dans un fauteuil, dos à son chirurgien, situé légèrement sur sa gauche. Lorsqu’elle ferme les yeux, la séance commence : « Je partais d’une image d’une plage en Grèce sur laquelle je me sentais bien, où j’allais chaque année en vacances. A partir de là, je me concentrais sur cette émotion de bien-être, qui progressivement se transformait en sensation dans le corps. J’avais l’impression d’être aspirée dans un tube, comme une forme de lévitation, c’était très spécial. Et là, des images venaient. »
Durant une heure à une heure trente, la patiente déroule son « film intérieur » et se promène dans son inconscient. Sa famille est souvent présente dans ses visions, mais lorsqu’elle voit ses parents, une boule se forme dans sa gorge. « Très vite mon médecin m’a dit qu’il y avait peut-être quelque chose avec mes parents », se souvient Virginie.
« Je me rends compte que mon père a un corps, mais pas de tête »
Sa thérapie commence à perturber son sommeil, elle se réveille en pleine nuit, et des souvenirs d’enfance refont surface.
Un jour, un rêve la pousse à aller ouvrir un album photo présent dans la bibliothèque familiale, qui lui avait été interdit petite. Les dates sur l’album et les photos qu’il contient semblent indiquer que son père ne connaissait pas sa mère lorsque celle-ci était enceinte. Autre fait troublant lors d’une autre séance d’hypnose: alors qu’elle est à la foire de Liège en famille, son docteur lui suggère de se rendre dans le palais des glaces. Elle y va, mais uniquement en compagnie de son père. A la demande de son médecin, elle lève les yeux vers un miroir et se regarde avec son père, avant de prendre peur. « Je me rends compte que mon père a un corps, mais pas de tête. Ça m’a complètement angoissée, on a du ressortir, vérifier qu’il avait sa tête… » raconte-t-elle.
Quand elle relate ses visions à sa mère et sa grand-mère, c’est le silence radio. Les deux femmes nient en bloc le pressentiment de Virginie. Celle-ci apprendra plus tard que sa mère est allée voir son médecin pour lui demander de mettre un terme à la thérapie, chose qu’il a refusé.
Au bout de la neuvième séance, c’est la révélation, « le coup de massue ». Ce qu’elle ne faisait que soupçonner jusqu’alors lui apparaît désormais comme une évidence : le père qu’elle a toujours connu n’est pas son père biologique. « C’est un peu comme un puzzle que je devais reconstituer de moi-même, et chaque séance d’hypnose a été une pièce du puzzle, qui bout à bout a permis à mon inconscient de lâcher le morceau quand j’étais prête à l’entendre. J’ai relié toutes les pièces du puzzle en une soirée », dévoile-t-elle.
Des souvenirs in utero
Suite à cette révélation fracassante, Virginie décide de poursuivre dans la quête de ses origines. « Après le puzzle sur moi-même, j’ai entrepris de mener une enquête », dit-elle. Elle prend son histoire à contre-courant et continue de remonter le temps durant ses séances d’hypnose… Jusqu’à finir dans le ventre de sa mère.
« Notre mémoire inconsciente est très puissante et tout ce que chacun a vécu depuis qu’il était dans le ventre de sa maman jusqu’à la seconde actuelle est dans cette mémoire, sous forme de sensations, d’émotions positives et négatives, d’atmosphère, de parfums, de couleurs et de matières… », assure le Dr Luc Bruyninx.
Du tout début de sa vie, alors qu’elle n’était même pas encore née, Virginie se remémore des voix de petites filles, des sabots de chevaux qui foulent du gravier et aperçoit des sortes d’ombres chinoises, en clair-obscur. La nuit, elle se réveille en sursaut en sentant le souffle d’un vent fort. « J’ai compris plus tard que c’étaient des choses que j’avais ressenties dans le ventre de ma mère », dit-elle.
Lorsqu’elle parle de ces visions à sa grand-mère, celle-ci, choquée, se rend compte que sa petite-fille a quasiment tout découvert toute seule, sans trop savoir de quoi il s’agit pour autant. Elle lui livre les éléments manquants: la maman de Virginie était mariée à un vigneron dans l’Aude, une région très venteuse du sud de la France. Au domaine, son père avait une écurie, et sa grand-mère paternelle montait quotidiennement à cheval. Les voix de petites filles s’expliquent quant à elles par les huit cousines germaines de Virginie, qu’elle n’a pas eu le temps de connaître.
Ses parents se séparent, et les deux grands-mères trouvent un arrangement : la maman de Virginie rentrera accoucher en Belgique et gardera le bébé, à condition que celui-ci ne rencontre jamais son père. Sa maman rencontrera un autre homme environ deux ans plus tard.
Voyage en terre inconnue
En 2008, Virginie se rend dans l’Aude avec son mari et retrouve le domaine familial paternel. Un peu plus d’un an plus tard, elle rencontre brièvement son père biologique à la maison de retraite, durant une quinzaine de minutes. Son père adoptif est soulagé que sa fille ait découvert la vérité.
« Je pense que le secret de famille est aussi douloureux pour la personne qui le subit que pour les personnes qui l’ont construit, parce qu’il y a de la souffrance, de la honte… Ma mère avait souffert de cette rupture quand elle était jeune, et mon père avait été embarqué dans cette dynamique de secret », affirme celle qui s’est battue pour faire éclater ce secret.
Avec le recul, Virginie se rend compte qu’elle a toujours su qu’elle avait été adoptée. « Je pense que j’ai rencontré mon papa aux alentours de 2 ans, donc il s’est passé un laps de temps entre 0 et 2 ans où il n’y avait pas d’homme dans la famille à part mon grand-père. Je n’avais pas de souvenir de ça, mais j’en avais des empreintes. Je me souviens petite fille avoir surpris des tensions immenses entre mon grand-père et ma maman, ou encore des moments où je rentrais dans la pièce et tout se taisait… », se remémore-t-elle.
« Je retrouvais la santé, ça a été le miracle de la thérapie »
De cette expérience intime et profonde sortira un livre autobiographique, sous l’influence de son docteur qui lui affirme que son témoignage en aidera d’autres: Voyage en mer intérieure. Ce livre, elle commence à l’écrire en même temps qu’elle débute sa thérapie, mais elle ne le publie que des années plus tard, au mois de mai dernier.
Parallèlement, les douleurs pudendales qui lui gâchaient la vie depuis des années ont disparu. « Je retrouvais la santé, ça a été le miracle de cette thérapie. Du jour au lendemain, des douleurs qui m’empêchaient de m’asseoir, de vivre ma vie de femme, et d’imaginer un jour avoir un second enfant ont disparu », raconte Virginie.
Pour la patiente, les bienfaits de ce traitement ont été multiples : plus de confiance en soi, de capacités de concentration, d’intuition, de bien-être… « J’étais quelqu’un qui avait une armoire à pharmacie énorme, on plaisantait souvent en disant que le pharmacien du coin roulait en Porsche grâce à moi ! Eh bien aujourd’hui je me demande dans quoi il roule ! J’ai 47 ans et je suis en bien meilleure santé aujourd’hui que quand j’en avais 20 ».
Hypnothérapeute depuis le mois de janvier
Véritablement conquise par la thérapie par l’hypnose, Virginie ne s’arrête pas en si bon chemin et suit une formation pour devenir elle-même hypnothérapeute. Diplômée depuis trois semaines seulement par l’IMHEB (Institut Milton H de Belgique), elle possède déjà une petite clientèle, constituée principalement de lecteurs et de connaissances. Et on peut dire que les affaires vont bon train pour Virginie, déjà employée dans un cabinet de consultant en droit européen des télécommunications et auteure des romans jeunesse « Cliky » : « Un ami de mon fils est venu me voir samedi pour une insomnie. Il ne dormait pas depuis des années. Le lendemain, il a envoyé un texto à mon fils en disant ‘tu peux dire merci à ta maman parce que je me suis endormi en dix minutes' », raconte la toute nouvelle professionnelle de l’hypnose.
Un cheminement personnel exceptionnel
Depuis la sortie de son livre, et notamment après son passage dans l’émission télévisée Milles et une vie, Virginie reçoit des centaines de messages de personnes aux histoires similaires. Un cas de guérison par l’hypnose qui n’est pas isolé, mais que le docteur de Virginie n’a rencontré qu’une seule fois à ce stade de sa carrière : « Madame Tyou n’est pas la seule à avoir des origines difficiles mais elle est la seule qui est allée rechercher en hypnose et avec la mémoire de son inconscient des souvenirs qui remontent à sa vie in utero et qui a su les interpréter avec justesse de sorte à guérir », dit-il.
Le bilan de la thérapie s’avère en effet plutôt positif : une femme soignée de ses douleurs, une famille soulagée d’un lourd secret et une nouvelle vocation professionnelle.